Kamisaraki - Titicaca
Kamisaraki, série de 13 photographies, noir et blanc et couleur, dimensions variables, 2024.
Kamisaraki ? — « Comment vas-tu ? » me lance-t-on dès l’accostage, avec une bienveillance déconcertante. Waliki, jupanasa ? — « Je vais bien, et toi ? » répond-on dans la foulée. Ces mots, échangés avec Néstor et Ana de la famille De Suma, ponctuent le quotidien sur leur île flottante, au cœur du lac Titicaca.
Leur vie est tournée vers l’accueil. Chaque geste, chaque récit, chaque vêtement porté semble pensé pour introduire le visiteur à leur monde. Sicuris est une danse festive de bienvenue : on y danse, on y mange ensemble, on y découvre l’art du tissage hérité de Taquile — un savoir-faire transmis avec fierté. Les hommes récoltent les roseaux, matière première des îles elles-mêmes, et en façonnent des pirogues de toutes tailles, élégantes et robustes. Les femmes comme les hommes tissent et habillent leur famille avec soin. Le rapport au temps est différent ici : moins tendu vers l’ailleurs, plus ancré dans la répétition des gestes de l’hospitalité.
Ce mode de vie centré sur la réception des voyageurs ne relève pas d’un folklore figé, mais d’une adaptation lucide. Le tourisme n’est pas un à-côté : c’est devenu une structure, une économie, un rythme imposé et intégré. Les Uros ne « montrent » pas leur vie : leur vie est devenue cet échange quotidien avec l’autre, l’étranger. Et dans cette organisation tournée vers l’accueil, il y a peut-être moins de mise en scène que de redéfinition de l’identité — une culture qui s’ajuste, sans se diluer.